Dans le laboratoire de notre vie spirituelle les matériaux avec lesquels nous devons travailler sont ceux de la vie quotidienne et de la relation aux autres.
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Dans le laboratoire de notre vie spirituelle les matériaux avec lesquels nous devons travailler sont ceux de la vie quotidienne et de la relation aux autres.
Quand on décide d'entreprendre le fabuleux voyage vers le "trésor caché" cela nécessite de croire très fort en l'existence de ce trésor. Il faut aussi avoir foi en sa capacité à réussir, même si les obstacles paraissent quasi insurmontables.
Tel Christophe Colomb, persuadé qu'il allait faire une extraordinaire découverte, celui qui entame une Quête doit posséder curiosité, volonté et un incommensurable espoir de réussite.
Jung a écrit un chapitre de Psychologie et Alchimie (p. 435 sq.) intitulé Le trésor caché où il parle de la quête de la substance précieuse qui existe en puissance dans le chaos (materia prima) qui est l’œuvre de la très sage Nature. Comme toujours, son enseignement est un guide précieux.
Une citation de Jung (correspondance, V, p.206)
" Dès lors que l'archétype est sollicité en un certain lieu, il est aussi activé comme un tout, c'est à dire partout simultanément, car il est universel et reste donc identique à lui-même toujours et partout. C'est pourquoi un vieil alchimiste pouvait consoler un de ses disciples en ces termes : " Quels que soient ton isolement et la solitude que tu ressens, si tu fais vraiment et consciencieusement ton travail, des amis inconnus viendront te chercher. "
Il me semble que jamais aucune réalité essentielle n'a été perdue car la matrice correspondante reste présente en nous, et de là elle veut et peut renaître lorsque c'est nécessaire. Mais seuls peuvent la recouvrer ceux qui ont appris l'art de détourner leurs yeux de la lumière aveuglante de l'opinion commune et leurs oreilles du bruit des slogans éphémères. "
Photo Ariaga
En 1959, deux ans avant sa mort, dans une postface au Livre Rouge (p.619)Jung explique pourquoi il a brusquement cessé d'y travailler à cause de sa rencontre avec l'alchimie. Voici ce texte qui, lui aussi, s’interrompt subitement.
***
" J'ai travaillé pendant seize ans à ce livre. La rencontre avec l'alchimie, en 1930, m'en a détourné. Le début de la fin arriva en 1928, lorsque Richard Wilhelm m'envoya le texte de la Fleur d'Or, un traité alchimique. Le contenu de ce livre trouva alors le chemin de la réalité et je ne pus plus continuer d'y travailler. Cela pourra apparaître comme une folie à l'observateur superficiel. Et cela en serait devenu une si je n'avais pas su saisir et capter la force grandiose des expériences originelles. Grâce à l'alchimie j'ai pu finalement les intégrer dans un tout. J'ai toujours su que ces expériences-là renfermaient quelque chose de précieux, et c'est pourquoi je n'ai rien trouvé de mieux que de les consigner dans un livre "précieux", c'est à dire couteux, et de dessiner les images qui surgissaient lorsque je revivais ces expériences - aussi bien que possible. Je sais à quel point cette entreprise était terriblement inadéquate mais malgré un travail très prenant et tout ce qui me détournait d'elle, je lui suis resté fidèle, même si jamais une autre /
possibilité"
Le chat de l'alchimiste ignore tout de l'or, philosophique ou non.
Le chat de l'alchimiste, repu et satisfait, tout contre la chaleur douce de l'athanor, médite longuement sur l'immobilité mais ses yeux entrouverts surveillent la cornue.
Depuis bien des années, il attend que se casse, le verre qui retient, dans les reflets changeants de son rêve éveillé, des oiseaux fabuleux qui ne meurent jamais et des serpents qui tournent en se mordant la queue.
Le chat de l'alchimiste essaie d'approcher l'impossible infini du ronron silencieux.
Ariaga (Ariane Callot)
Pour moi, le livre le plus original, personnel, d’Étienne PERROT s'intitule Coran teint, sous titré le livre rouge, (Ed. La Fontaine de Pierre). C'est un ouvrage auquel s'appliquent de nombreux qualificatifs : alchimique, prophétique, onirique, symbolique, poétique. L'auteur l'a divisé en vingt-cinq "sourates"destinées à emmener le lecteur, par un chemin proche du surréalisme, vers une transmutation poétique au sens originel du terme : celle des "artistes" alchimistes grecs qui se donnaient le nom de poïêtai, c'est à dire poètes.
Le titre Coran, veut dire "prédication". La teinture est la teinture alchimique. Mais Perrot, adepte de "la langue des oiseaux" chère aux alchimistes, fait aussi dans ce titre allusion à l'évêque semi -légendaire Corentin ami du roi d'Ys, la cité engloutie de Cornouaille, ceci parce que Perrot était d'Audierne dans le Finistère.
Je vous ai choisi, difficilement car il y en a tellement qui me plaisent, un extrait qui parle de l'Amour, un sujet qui m'est cher.
"Quel est le secret de Jung ? C'est le secret d'amour, pratiquement baptisé par lui "transfert", dont il a publié les images puissantes gravées par un alchimiste du XV° siècle et incluses dans Le Rosaire des Philosophes. Elles peignent les phases de l'union de l'homme et de la femme, des deux parties de l'être, les approches, le dépouillement des vêtements, l'entrée dans le bain de la transformation, l'union nuptiale, la mort qui s'ensuit, la naissance de l'androgyne et, pour finir, les symboles de l'accomplissement : la reine, le roi, la résurrection du Christ et le couronnement de Marie - la matière : mater-materia - par la Sainte Trinité. Ces noces transformantes sont le cœur du dialogue alchimique restauré par Jung, mais, mystérieuses et secrètes par essence, elles demeurent ignorées de la plupart au profit d'aspects plus voyants de l’œuvre intérieure, et surtout plus descriptibles par la raison. Mais comment cette oeuvre pourra-t-elle aboutir sans l'agent qui, seul, opère la transformation : le feu secret des alchimistes, feu qui est l'amour éclairé, ou, ce qui revient au même, la conscience empreinte d'amour ? Les images intérieures défileront alors en une ronde sans fin, sans conduire l'être vers son centre, siège de l'amour qui l'attire, aimant des sages. "
Étienne PERROT, Coran teint, p. 52.
Tu as déjà franchi l'ultime porte et je la franchirai aussi.
ET
nos mémoires s'oublieront.
Mais quand la roue des vies
nous ramènera sur le rivage
nus et étrangers
je connaîtrai encore
la couleur de ton âme
la saveur de ton corps
ET
le jour où je te retrouverai
je me pencherai vers toi
j'embrasserai la veine de ton cou
là où bat le sang.
Mes lèvres trembleront contre ta bouche
comme une petite vague fatiguée par une longue traversée
un souffle passera
à travers nos deux corps
ET
une nouvelle fois
nous œuvrerons ensemble
vers la grande alchimie
ET
tout recommencera
encore et encore
ET
l''amour grandira
Une dernière fois
jusqu'à se fondre en Or
et devenir Divin...
Photo Ariaga
Voici un second texte de Rolande Biès extrait de ses "Lettres des amis de l’alchimie" . Ce texte est de Novembre 1995.
"L'Alchimie est un chemin d'éveil : en faire l'expérience ne sépare pas des activités quotidiennes mais les éclaire d'un jour nouveau.
Ce qui peut alerter notre curiosité, c'est que cette pratique est enseignée de mille et une manières aussi bien en Occident (voir les dix "échelons" de Saint Jean de la Croix) qu'en Orient (voir les dix "étapes", dans le différents bouddhismes : dans le Ch'an, ou Zen, le dressage du buffle, dans le Taoïsme, celui du cheval, dans le bouddhisme tibétain, celui de l'éléphant. Ces animaux représentent le mental, si difficile à domestiquer.
Dans l'Alchimie spirituelle, il s'agit aussi du dressage de l'être humain émotionnel tout entier, afin que celui-ci se spiritualise.
Bien entendu, il nous faudra passer par des métaphores afin d'obtenir cet éveil : les rêves nous y aideront avec élégance et grossièreté. Grâce à une vigilance constante, nous déposerons notre orgueil sur les rives du ruisseau de vie qui s'écoule sans cesse. Il s'agit bien d'une pratique.
Lorsque nous parlons des "étapes", nous voulons dire les diverses parties de nous-mêmes correspondant aux plans de conscience de notre corps, qui peuvent alors s'illuminer les uns après les autres pour faire finalement un "éveillé", c'est-à-dire un être VRAI, complet, réalisé, ayant mis en acte toutes ses possibilités, par opposition à un être apparent dont la majorité se contente. Nous verrons chaque étape en détail,, pour ne pas nous tenir aux "paroles gelées", comme dit Rabelais.
Mais comme entrée en matière, voici un rêve, court, qui indique le chemin à suivre à tel directeur de banque arrivé à un tournant de sa vie : "On lui disait qu'il était urgent de faire un emprunt à la banque Humo".
Cette banque n'existe pas ; il fut dont nécessaire de "travailler" sur le terme humo. Notre chercheur déduisit lui-même qu'il devait devenir beaucoup plus humble, plus près de la terre (humus), afin de continuer son chemin d'éveil. En en effet, il avait raison cette prise de conscience lui permit d'obtenir une activité beaucoup plus en accord avec ses aspirations."
Photo ÉPHÊME
Je vous propose de rendre hommage à Rolande Biès (1919-2012) en publiant quelques uns de ses textes extraits des Lettres aux amis de l'alchimie dont vous pouvez trouver l'intégralité dans Espace Francophone Jungien. Voici le premier qui est de Septembre 1995
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"Les images qui arrivent dans nos rêves n'exigent pas une connaissance du monde, elles nous invitent à habiter le monde. Il ne s'agit pas d'un savoir, qui est avoir ; il s'agit d'être.
Comment ÊTRE totalement ? En pénétrant dans les couches profondes de notre psyché afin de ne faire qu'un avec l'inconnu qui habite en nous. Il ne s'agit pas de violer le secret de l'être, mais d'aider celui-ci à l'intégrer en l'épousant, en acceptant de combler ce creux ; c'est cela, le "creuset" alchimique. En devenant un rêveur de l'intime, nous marions en nous toutes les oppositions qui nous harcèlent. Plus nous refusons notre aspect terrestre, humain, humble, plus nous sommes déchirés au lieu d'être reliés à nous-mêmes avant de l'être aux autres.
Tout commence par une prise de conscience due à une épreuve. C'est le début de la quête, le point de départ de l’œuvre. La vie semble avoir perdu son sens, on est en "nigredo" ; Saturne en est le maître, représenté par le plomb. Puis un jour, une rencontre, un livre nous fait entrer dans un ordre nouveau, la volonté de l'ego faiblit, c'est Jupiter, représenté par l'étain gris (l'éteint), qui permet d'entrer dans l'espérance.
Mars, le dieu de la guerre, inaugure alors le combat contre soi-même ; il est froid, mais rouge si on le chauffe, comme le fer. On le nomme l'Aimant des Sages, celui qui attire le sage, car le sage est amour. L'épée, esprit de discrimination, entre dans la lutte contre le dragon de l'orgueil.
Puis, vient Vénus, le cuivre contenu dans le bronze et l'airain des cloches. Couvert de vert-de-gris, il a encore besoin d'être délivré de la cupidité et de l'envie.
Voilà les rapports existant entre astrologie et alchimie. L'astrologie est une projection dans le ciel : loin. L'alchimie est une projection sur la terre : proche. Sans oublier le Mercure, qui est double, puisqu'il est métal liquide : dieu ambigu, dont le caducée montre les deux serpents ennemis reliés entre eux.
Nous entrons là dans l’Œuvre au blanc, où la spiritualité domine la matière : c'est le Premier Travail.
Cela a déjà été dit. Mais quel nom donne-t-on à l'Alchimiste ? Le perroquet.
Photo JPR
Voici une citation de Jung qui donne à réfléchir au sujet d'une alchimie du quotidien. On la trouve p. 66 de son livre Commentaire sur le Mystère de la Fleur d'Or.
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" J'ai reçu il y a peu de temps une lettre d'une patiente décrivant la transformation nécessaire en termes simples mais pertinents. Voici ce qu'elle dit : " Du mal il m'est sorti beaucoup de bien. En demeurant calme, en ne réprimant rien, en étant attentive, et, ce qui va avec le reste, en acceptant la réalité — les choses comme elles sont et non comme je voudrais qu'elles soient —, il m'est venu des connaissances singulières, et aussi des pouvoirs singuliers, tels que je n'aurais jamais pu me l'imaginer auparavant. Je pensais toujours que si l'on acceptait les choses, les choses nous dominaient d'une manière ou d'une autre ; mais en réalité il n'en est rien, c'est seulement en les accueillant qu'on peut fixer sa position par rapport à elles. Désormais je jouerai donc le jeu de la vie en acceptant ce que la journée et la vie m'apportent à tout instant, bien et mal, soleil et ombre qui alternent d'ailleurs constamment, et en même temps j'accepte aussi mon être propre avec ce qu'il a de positif et de négatif, et tout devient plus vivant. Que j'étais donc sotte! et comme je voulais obliger toutes choses à aller à mon idée!