Mon ami intérieur le vieil alchimiste qui murmure parfois à l'oreille de mon cœur m'a dit ce matin :
Il n'y a pas de joie si parfaite qu'elle ne contienne une peine.
Il n'y a pas de peine si noire qu'elle ne s'éclaire d'un rayon de soleil.
Le désert le plus aride contient un jardin. On ne peut y entrer avec une clé ordinaire mais, si on possède cette clé, on y trouve des rosiers à perte de vue, des champs d'une fertilité infinie et une fontaine intarissable d'où jaillit l'eau de la Vie.
Ariaga (Ariane Callot)
Photo Ariaga
Quand la mer se retire, vidant l'estuaire de ses bleus
reste le plomb fondu de la vase grise et molle.
C'est alors que nos frères de plumes et de symboles
écrivent des messages, signés pattes d'oiseaux,
dans l'archaïque langue des dieux de la Nature.
Nous ne savons plus lire, le code s'est perdu
et nous avons laissé dissoudre dans le temps
cette danse amoureuse de la matière esprit
cette danse amoureuse mère de notre monde.
Ariaga (Ariane Callot)
Photo Ariaga
Photo Ariaga
Regardez ces rochers qui vont petit à petit se fragmenter.
Il en faudra des temps, il en faudra des vagues,
ils deviendront cailloux, ils deviendront sable, poussière,
puis ...
C'est leur vie et c'est aussi la notre dans la grande transmutation de ce qui est
et sera toujours.
Ariaga (Ariane Callot)
Elle est la passagère d'un train qui va de plus en plus vite dans le paysage de la vie vers une destination inconnue.
Fascination, curiosité.
Le temps est précieux, les mots pleins sont difficiles à extraire car enfouis profondément dans les strates de l'habitude.
Parfois vient le besoin de se saouler de diversions pour oublier l'extérieur brouillé par la vitesse.
Peut-être qu'elle a de l'eau dans les yeux.
Parfois aussi s'installe l'impatience de l'arrivée ...où que ce soit.
Ariaga (Ariane Callot) Photo Ariaga
Photo Ariaga
Comme du sable, le temps glisse entre mes doigts.
Dans la dernière partie de ma vie, obsédée par l'idée de l’inaccompli, je me fige dans la bulle de l'intellect.
La porte de la créativité et de la poésie se ferme.
Je ronronne dans le déjà fait que je cisèle à l'infini.
Et pourtant ... dans ce théâtre d'ombres quelque chose pulse ...
Un grand désir de partager encore du vrai et du profond, d'être à nouveau en accord avec les vibrations de la vie et de la nature et d'entendre parfois murmurer à l'oreille de mon cœur le vieil alchimiste compagnon de mes errances.
Ariaga (Ariane Callot)
Celui que j'aimais, que j'aime et que j'aimerai dans un temps qui n'existe pas était un oiseau aux ailes trouées.
Franchissant une porte que l'on ne peut passer à deux, une porte vers ce lieu oublié d'où nous venons et où nous allons, il est parti le premier à la recherche d'une paire d'ailes neuves.
Au moment de franchir le seuil étroit, il s'est un instant retourné et son regard me disait ne t'en fais pas je t'attendrai.
Ariaga (Ariane Callot)
Une citation poétique et amusante de J.L. Borgès sur l'alchimiste.
Et l'alchimiste pense aux semblances secrètes
Qui font sympathiser la nuit et les métaux.
Mais au moment qu'il croit avoir de haute lutte
Triomphé de la mort, certain magicien
Bien plus philosophal encore le transmute
En absence, en personne, en poudre, en ombre, en rien.
" L'alchimiste ", L'or des tigres, Paris, Gallimard, 1976,p. 49-50.