J'avais, il y a quelques temps, publié des citations de la mystique juive. C'est un domaine que je connais mal, mais il me semble que, sur ce blog qui se veut pluraliste et d'une spiritualité ne favorisant aucune religion en particulier, des textes comme le Zohar, le Talmud, le Sepher Yetsirah présentent beaucoup d'intérêt.Il m'est impossible de me pencher sur les ouvrages eux mêmes mais il y a de bon commentaires, des citations, des extraits. Je vous ferai donc, de temps en temps profiter de mes humbles recherches. J'ai déjà rencontré, au détours de pages,Isaac Louria, Rabbi Nachman de Bratislava, Rabbi Moïse Haym Luzzatto. et d'autres. Aujourd'hui, je veux vous présenter un livre, La rose aux treize pétales, où j'ai trouvé une citation qui rejoint mes préoccupations au sujet de la matière, que je trouve souvent négligée au profit de l'"esprit". Beaucoup d'entre nous ont tendance à vouloir "s'échapper par le haut." L'ouvrage est la traduction de l'américain d'un livre du rabbin Adin Steinsaltz. Il parle, entre autres sujets des rapports entre la mystique et la vie quotidienne. Je l'ai lu avec passion. L'extrait a, pour moi, des résonances à la fois spirituelles, scientifiques et alchimiques.
..."il faut se souvenir que, pour le judaïsme, la matière n'est pas considérée comme inférieure ; dans une certaine mesure, elle constitue même, tout au contraire, le sommet de la Création. Elle est source d'émerveillement parce que, paradoxalement, son existence même semble occulter le divin ; c'est donc nécessairement lui qui a voulu la créer. On peut la comparer à une onde née de la rencontre de la révélation et de l'occultation ; c'est pourquoi, en dépit de sa finitude, la matière est le lieu de la plus grande concentration de la révélation de l'Infini dans le monde. Notre monde est le plus limité de tous les mondes. Cependant, pour subsister comme être séparé et indépendant, il faut nécessairement qu'une énergie infinie s'exerce sur chacune de ses particules. C'est bien pourquoi toute action qui oriente la matière en direction de la sainteté a une valeur bien plus grande qu'une action entreprise dans le monde de l'esprit. Du fait que tous les mondes se focalisent sur la matière, chaque geste, chaque mouvement qui s'y produit, si infime soit-il, a plus d'effet que les mouvements de la vie de l'esprit ou même des mondes supérieurs à l'esprit. C'est que la fonction de la Mitsvah, en s'efforçant d'informer le monde matériel, de le changer, de le tourner vers la sainteté, consiste à libérer d'immenses forces qui produisent des ondes de choc depuis notre monde jusqu'aux mondes supérieurs. Voila pourquoi la signification d'une action sainte qui s'exerce sur le monde matériel dépasse largement tout ce qui serait accompli dans le strict domaine de la pensée et de l'émotion. Ainsi s'explique que la Torah et les Mitsvot se référent essentiellement au monde matériel : il est le véritable secret de la Création, la concrétisation de la quintessence de l'idée divine. Aussi bien, toute modification, ou toute correction, du monde de la matière entraîne-t-elle des mutations sans fin dans l'ensemble des mondes."
Adin Steinsaltz
La rose aux treize pétales, ed. Albin Michel, 1989