" Ô femme et fièvre faite femme ! Lèvres qui t'ont flairée ne fleurent point la mort. Vivante - et qui plus vive ? - tu sens l'eau verte et le récif, tu sens la vierge et le varech, et tes flancs sont lavés au bienfait de nos jours. Tu sens la pierre pailletée d'astres et sens le cuivre qui s'échauffe dans la lubricité des eaux. Tu es la pierre laurée d'algues au revers de la houle, et sais l'envers des plus grands thalles incrustés de calcaire. Tu es la face baignée d'ombre et la bonté du grès. Tu bouges avec l'avoine sauvage et le millet des sables et le gramen des grèves inondées ; et ton haleine est dans l'exhalaison des pailles vers la mer, et tu te meus avec la migration des sables vers la mer..."
...
" Submersion! soumission! Que le plaisir sacré t'inonde sa demeure! Et la jubilation très forte est dans la chair, et de la chair dans l'âme est l'aiguillon. J'ai vu briller entre tes dents le pavot rouge de la déesse. L'amour en mer brûle ses vaisseaux. Et toi, tu te complais dans la vivacité divine comme l'on voit les dieux agiles sous l'eau claire, où vont les ombres dénouant leurs ceintures légères...Hommage, hommage à la diversité divine! Une même vague par le monde, une même vague notre course... Étroite la mesure, étroite la césure, qui rompt en son milieu le corps de femme comme le mètre antique, et l'odeur de ses vasques erre dans notre lit...Rouge d'oursin les chambres du plaisir."
Saint-John Perse
Amers, p. 333/334, La pléiade.
Photo Ariaga
Quand nous rêvons, nous sommes libres d'agir dans le cadre de situations qui seraient impossibles dans la vie dite "réelle".
On se retrouve dans des maisons inconnues, on change de lieu en une seconde, on joue d'un instrument de musique alors qu'on en est incapable, on côtoie des "people" on vole comme un oiseau et on fait bien d'autres choses encore ...
La rigidité de la logique, de l'enchaînement des causes aux effets, des contraintes du temps linéaire, tout cela disparait et nous sommes invités à un extraordinaire voyage dans un monde où tout est possible y compris l'absurde.
Il arrive que l'on se trouve dans des situations terribles. Par exemple on tombe dans le vide mais on se réveille avec un tel soulagement ! Ma nature craintive et mon vertige rendent impossible un saut à l'élastique, même si quelque chose au fond de moi aimerait cette sensation. C'est probablement pour cela que, dans un rêve, voler, tomber, marcher au bord des falaises, m'a toujours donné l'impression de vivre des aventures interdites. Dans le monde du rêve, même si il y a parfois de l'angoisse, la vie est passionnante !
Ariaga
La lecture de Psychopathologie de la vie quotidienne de Sigmund Freud, son oeuvre la plus personnelle, est particulièrement réjouissante pour ceux qui, comme moi, sont souvent victimes de la malice des mauvais génies. Freud raconte de passionnantes histoires d'actes manqués au sujet de clefs, d'erreur sur les étages, d'objets qui vous échappent des mains et se cassent, d'oublis, etc etc. ...
Pour Freud, ces méprises et maladresses diverses sont, en fait, non des actes manqués mais des actes réussis et il ne croit pas aux mauvais génies. Si ces actes sont non conformes à l'intention consciente et peuvent apparaitre comme des dysfonctionnements moteurs, ce sont des tours que nous joue notre inconscient. J'avais envie de casser ce vase cadeau de mariage ou d'appuyer sur le mauvais étage de l'ascenseur ou d'utiliser la clef de la maison à la place de celle du bureau.
Ariaga
Plantés comme une barrière
les échardes dans la chair
et le poteau du passé
auquel je suis attachée.
Les doux pièges des chimères
obscurcissant la lumière,
et ce chant que je connais
ce chant qu'on m'avait donné
l'ai-je vraiment oublié ?
Comme ils sont durs à monter
les alchimiques degrés
qui mènent au temple intérieur
où s'accomplit le Labeur.
Ariaga
Quand les cordages fatigués par les marées
vont se noyer dans l'eau du port
coule la sève d'une pourrissante beauté ...
Ariaga
Devenir vieux, c'est se percher sur le piédestal du grand âge pour dire des paroles de sagesse.
Devenir vieux, c'est faire de ses opinions des certitudes, des dogmes sa religion, adhérer , oublier la beauté du paradoxe.
Devenir vieux, c'est avoir peur de son ombre et encore plus de l'ombre de l'autre; se réfugier sous les vieux oripeaux du petit soi.
Devenir vieux, c'est ne plus voyager dans l'imaginaire et voir son monde se rapetisser comme une peau de chagrin ...
Ariaga
La relation à la nature peut être extérieure ou intérieure, ou les deux.
Je me promène dans les bois ou le long d'une plage, je respire l'odeur de l'humus ou de la mer, je me couche dans l'herbe. Je reçois la nature de l'extérieur.
Je suis dans les pas de C.G. Jung et je tente de lire en moi par l'intermédiaire de l'analyse et de l'interprétation du rêve, j'approche la Nature de l'intérieur car il y a toujours un moment où émergent les re-présentations venues du temps où la nature et l'homme étaient étroitement liés.
Je suis dans la nature et je fais silence, je médite pour laisser advenir ce qui me relie à la Totalité, alors mon contact avec la Nature est à la fois intérieur et extérieur.
Qui n'a pas une phobie plus ou moins handicapante ? Phobie des serpents, du vide, de la foule, et de tas de choses et situations parfois surprenantes. On a du mal à comprendre la terreur que certains peuvent ressentir devant un papillon ou une tétine.
C. G. Jung dans son ouvrage Psychologie du transfert exprime une curieuse opinion au sujet des phobies. Il met en garde contre un excès de soins , ce qu'il appelle "l'enthousiasme thérapeutique", et dit que " tout ne peut pas être guéri, tout ne doit pas être guéri". Il raconte, à titre d'exemple deux histoire qui seraient incroyables si on ne connaissait pas le sérieux de Jung.
La première concerne une femme qui souffrait depuis longtemps d'une dépression et d'une phobie de Paris. La dépression fut guérie mais la phobie demeurait. Cependant, elle se sentait tellement bien qu'elle décida de prendre sur elle et de venir à Paris. Elle réussit à atteindre Paris mais le lendemain de son arrivée elle succomba dans un accident d'automobile.
La seconde histoire est celle d'un patient atteint d'une curieuse phobie des perrons. Il faut pris par hasard dans un affrontement de rue. Il y eut des coups de feu et, terrorisé, malgré sa phobie, il voulut se réfugier dans un édifice public auquel on accédait par un perron. Il gravit le perron en courant et c'est alors qu'il fut atteint par une balle perdue. Il s'écroula sur les marches.
Les conclusions de Jung sont que les symptômes psychiques doivent être considérés avec une grande prudence et que la psychothérapie doit se montrer modeste car nous sommes loin de connaître toute leur signification.
Je dois dire que je reste perplexe. Certaines phobies seraient-elles une mise en garde d'un inconscient qui fonctionne dans une autre temporalité et qui "sait" qu'un danger nous menace ? Je frissonne ...
Ariaga