Rêve 1. Vu les années passées entre le rêve initial et ce premier rêve on peut le considère comme un nouveau rêve initial de la série.
La rêveuse descend dans une boutique où il y a une femme aimable, d'aspect doux et confortable, et un boulanger à l'allure sévère. Le boulanger donne à la rêveuse des sacs en plastique. Elle les ouvre quand elle est à la campagne où elle est venue ramasser sur le chemin des pierres pour les graver. Les sacs contiennent des morceaux de pain rassis. Elle se demande : "Dois-je les donner à une oeuvre ?"
Au retour en ville, la rêveuse voit dans la rue un homme qui tient une laisse à chien extensible double. Du côté droit, on ne voit pas ce qu'il y a au bout de la laisse. Du côté gauche, elle est attachée au dos d'une jolie petite fille sur une bicyclette. L'homme lui crie : "Vas-y ! Vas-y ! " la laisse s'allonge et avec sa bicyclette elle saute le trottoir. Elle a un air tout fier. Elle continue sa route et retourne à la boutique du début où on donne maintenant des leçons de piano. Il fait nuit mais dans le noir près de la porte elle sent qu'il y a un homme et une femme.
Elle descend et voit dans une partie peu éclairée la femme agréable du début et devant un piano, dans une belle lumière, le boulanger. Il lui demande : "Avez vous apporté vos lunettes pour voir de loin ?" elle répond "Non mais je peux aller les chercher car j'habite tout près ". Il lui répond alors : Il faut y aller car pour le travail que nous allons faire il faut voir loin."
Ce rêve est très riche, en particulier sur le plan de la symbolique alchimique. Je ne ferai donc qu'évoquer très brièvement certains thèmes qui pourront être "creusés" dans les commentaires.
La représentation de l'inconscient
Pour commencer, notons que la rêveuse descend deux fois dans la boutique ce qui signifie qu'il s'agit de descendre dans les profondeurs de l'inconscient et aussi que, malgré le temps écoulé, ce songe répète, sous une autre forme, l'histoire du rêve initial. Comme le pense Jung, l'inconscient, s'il n'est pas compris par le conscient, ressemble à une vague roulant inlassablement sur le rivage de la conscience.
Le boulanger à l'allure sévère tient le même rôle d'animus canal du Soi que l'homme secourable du rêve initial. Son attitude est compréhensible puisque la rêveuse, alors que ce rêve lui avait semblé assez important pour qu'elle le note, est demeurée sourde à la proposition de coopération proposée par ce rêve.
Je laisse de côté, pour l'instant, les pierres et le pain qui me semblent faire partie de la symbolique alchimique, pour m'intéresser à la petite fille. Ici, l'animus négatif recommence à montrer l'importance de son action. Il est représenté par cet homme retenant la petite fille par une laisse extensible double . La petite fille, représentant une Rêveuse infantilisée, semblant toute fière de son adresse, est, en fait, prisonnière. elle conserve une laisse atachée à son dos et la féminité est réduite au rôle de chien savant. Si on compare avec e rêve initial, on voit que cet animus négatif a bien ses racines dans l'animus maternel. Des paroles presque identiques sont prononcées : "Vas-y". Les deux fois la Rêveuse est dans une situation d'infériorité, qu'elle porte une laisse ou qu'elle se fasse traiter d'empotée !
Je crois que l'on voit nettement dans ce rêve s'amorcer l'histoire d'une dualité symbolisée par le boulanger et la boulangère, la laisse double, l'homme et la femme derrière la porte, les deux animus antagonistes. Ce rêve développe aussi ce qui n'était qu'une allusion du rêve initial. Il s'agit de l'interrogation, à la fois essentielle et hésitante de la Rêveuse : Dois-je les donner à une oeuvre ? La question du cheminement est déjà posée. Dois-je réaliser l'oeuvre de l'unification, se demande t-elle ? Le rêve contient des indices de cette possibilité. Le boulanger enseigne la musique, c'est à dire l'harmonie. Dans l'ombre, au niveau de l'inconscient, se devine un couple image d'une possible réconciliation des principes masculins et féminin. De plus, un appel à se mettre en route est lancé par le messager du Soi qui dit, d'une manière très positive :" il faut y aller' en ajoutant : "pour le travail que nous allons faire il faut voir loin" ; il faut voir loin dans le temps et aussi, c'est ce qui se passe quand on voit de loin, englober un large point de vue, une totalité.
La symbolique alchimique
Dans ce rêve, les éléments de la symbolique alchimique sont nombreux et je ne peux tous les présenter comme il faut. Nous avons la laisse qui évoque le chien, prmière allusion aux animaux qui forment un véritable bestiaire alchimique dans la série. Un enfant, première apparition de l'Enfant des Philosophes, les couples éléments de la conjonction. Ce qui apparaît surtout comme important est l'annonce claire d'un projet alchimique inconscient. Elle va sur le chemin ramasser des pierres pour les graver. Ceci est en concordance avec les dires de la philosophie hermétique ; par exemple quand Michel Maïer écrit : "La Pierre, vil rebut, gît, dit-on sur les routes, afin que riche et pauvre puissent l'y ramasser." Le matériau de l'oeuvre alchimique est accessible à tous, riches ou pauvres. Il en est de même pour le rêve car un mendiant rêve de la même manère qu'un seigneur. Et c'est pour les graver que la Rêveuse ramasse les pierres, c'est donc pour accomplir un travail de transformation de ces vulgaires cailloux. Les sacs en plastique sont une premièrre allusion au récipient, au vase, contenant le matériau de l'opus qui est ici du vieux pain rassis.
Le pain, et ce qui est en relation avec sa fabrication apparaîtra à plusieurs reprises dans la série, mais bien plus tard. Il semble lié, si je m'inspire de Jung, à un symbole ancien et toujours vivant, en particulier dans le rituel chrétien, celui de la transmutation. Jung voit dans la consécration, au moment de la transformation du pain et du vin, une concordance entre le rituel de cette célébration et les phases du processus alchimique.
Au sujet des leçons de piano, je vous dirai que l'alchimie se fait parfois appeler "art de musique". Les représentations des laboratoires-oratoires des alchimistes montrent de nombreux instruments de musique exprimant l'harmonie de la musique céleste accompagnant l'aboutissement du Grand Oeuvre.
Le boulanger est comme nimbé par une belle lumière. Cette lumière va se projeter à travers toute la série jusqu'au rêve d'aboutissement. Elle m'apparaît comme étant à la fois la Lumière de la Nature des alchimistes (en particulier Paracelse) et la lumière de la conscience, cette petite lumière dans la tempête que Jung conservait avec tant d'ardeur dans un des rêves qu'il raconte dans Ma vie. C'est cette lumière de la conscience qui permet au Moi de conserver son intégrité et aussi de tirer parti des enseignements de l'inconscient.
Il y aurait encore beaucoup à dire, mais j'espère que certains d'entre vous enrichiront cette interprétation.
Ariaga