C'est la première note que j'écris sur la science-fiction et on me dira que je suis loin de la philosophie, de la psychologie des profondeurs de Jung, et de l'alchimie spirituelle. Vous auriez tort, chers lecteurs, car je pense que tout ce qui transforme, élargit le degré de conscience, nous fait sortir de la bulle du connu et du semblable, est un facteur d'évolution et de transformations.
Si je n'avais pas encore abordé ce sujet, c'est par crainte de me laisser entraîner par ce qui fut longtemps une "passion". Je me suis un peu assagie. Je redoutais aussi d'avoir du mal à me détacher des enseignement dispensés par Jacques van Herp, à Bruxelles, dans une "autre vie". Enseignements douloureux, le cher homme maintenant décédé, avait un caractère détestable, mais aussi un très vaste savoir. Son Panorama de la science-fiction (Marabout) demeure incontournable.
Le terme Science-fiction a suscité pas mal de malentendus et, pour beaucoup, ce serait une forme de sous-littérature ou de para-littérature populaire faite de récits puérils, mal écrits et sans validité scientifique. Je ne suis pas du tout d'accord avec cette conception. Je reconnais que le terme est, non seulement mal choisi mais très limitatif car, pour moi, ces récits fondés sur le " et si " ne sont pas une curiosité littéraire. C'est, tout simplement, de la littérature, et même une littérature très ancienne.
Et si Ulysse était parti pour un très long voyage ; et si un continent perdu avait vraiment existé ; et si on en retrouvait des traces ; et si d'autres mondes étaient habités ; et si une guerre ou un cataclysme balayait l'humanité. On voit se dessiner les ombres d'Homère, de Platon, de Giordano Bruno sur son bûcher et, plus près de nous de Robida, Wells, Matheson, Blish, Barjavel et d'autres très contemporains qui ont continué à franchir les barrières de la possibilité humaine et à raisonner sur l'irrationnel.
Alors, pourquoi certains d'entre vous qui ont acheté dans une gare un livre classé S.F. l'ont-il jeté après lecture dans la première poubelle rencontrée et juré qu'on ne les y reprendraient plus ? tout simplement parce que c'était un mauvais livre. Il y a des romans d'amour stupides et mal écrits et des chefs d'oeuvre littéraire du même genre.
Pour commencer, car maintenant que je suis lancée il y aura des suites, je propose de ne plus utiliser le terme science fiction et de le remplacer par celui de " roman d'hypothèse ", proposé en 1928 par Maurice Renard. Pour les anglicistes on pourrait dire aussi " speculative fiction " (Heinlein) mais je garderai roman d'hypothèse ou R.H. Et nous voila de retour dans un domaine plus philosophique : prendre pour point de départ une supposition et en examiner les conséquences en suivant une certaine forme de logique, scientifique ou non. On élargit le champ de la réflexion non seulement à ce qui est mais à ce qui pourrait être et on remet en question l'espace, le temps, l'histoire, la société l'être humain lui même et jusqu'aux possibilités de son esprit.
Le fantastique, la fantaisie héroïque, trouvent eux aussi leur place dans cette qualification de roman d'hypothèse. Il s'agit seulement de différences dans le degré de rationalité de l'hypothèse de départ et d'" ambiance " du récit. Le conte me semble à part mais j'en ai assez dit pour aujourd'hui.
Ariaga